En Grèce, la crise a profité à la bière artisanale

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Devant l’écran clignotant d’une embouteilleuse automatique, Sophocle Panagiotou règle les paramètres de pression et de temps requis pour la Red Ale, l’une des douze bières produites dans sa microbrasserie grecque. « Un secteur en plein essor » dans le pays, se réjouit-il.

Il y a dix ans, au début de la crise, ce petit entrepreneur a pris « le risque » de créer une microbrasserie dans le champ familial sur l’île d’Eubée, à 200 km d’Athènes.

« A l’époque, c’était une idée folle, on me regardait comme un extra-terrestre », se rappelle ce chimiste et oenologue, autrefois employé dans une entreprise viticole qui a fermé.

Ces dix dernières années, marquées par la plus grave dépression de l’histoire contemporaine grecque, des dizaines des milliers de PME ont dû fermer et le chômage a explosé. Mais les microbrasseurs ont réussi à tirer leur épingle du jeu. La réduction des importations a profité aux produits locaux, y compris dans le secteur des boissons alcoolisées.

 

« Les habitudes ont changé pendant la crise: la demande est désormais plus centrée sur les produits fabriqués en Grèce – comme la bière artisanale – souvent moins chers, une manière aussi de soutenir l’économie locale », explique Yannis Kefalas.

Ce passionné de bière a quitté Athènes il y a trois ans avec des amis pour créer sa brasserie locale à Ikaria, son île d’origine en mer Egée. Il exporte aujourd’hui ses Ikariotissa en Allemagne, en rêvant déjà de Suède, du Canada et des Etats-Unis.

 

 45 microbrasseries grecques 

La Grèce continentale et les îles égéennes et ioniennes comptent désormais 45 microbrasseries, contre moins d’une dizaine il y a dix ans, explique M. Panagiotou, qui préside l’Union des brasseurs grecs.

Sur l’île d’Eubée, la production de M. Panagiotou a été multipliée par quinze en dix ans, passant de 80.000 bouteilles par an lors de la création de l’entreprise en 2009 à 1,2 million aujourd’hui.

A Serres, dans le nord de la Grèce, Yannis Marmarellis a inauguré sa microbrasserie, Siris, en 2014 après la fermeture de son usine de charcuterie en pleine crise. Ses installations ont depuis « été multipliées par quatre », tandis que le nombre de salariés a quasi quintuplé, passant « de trois à quatorze », dit-il à l’AFP.

Une microbrasserie est même née dans le centre d’Athènes, près d’un quartier branché: Noctua, lancée par Christos Vassiliadis. Il mise sur « la hausse de la demande de bière de qualité » ces dernières années et s’est spécialisé dans les Ale et les India Pale Ale (IPA), ces bières plus fortes en houblon et en alcool que leurs blondes cousines Pale Ale. Il entend « faire connaître aux Grecs des bières différentes de la Lager, la plus répandue ».

 

Gingembre et cardamome 

L’augmentation du nombre de petits brasseurs « atteste évidemment d’un nouveau marché mais nous ne pouvons pas encore parler d’un +boum+ », tempère Yannis Marmarellis.

 

Les bières les plus consommées en Grèce sont produites par la brasserie Athinaiki, l’une des principales du pays, à la fois productrice et importatrice de bières.

Si les microbrasseries séduisent, c’est notamment pour les nouvelles saveurs qu’elles apportent, épicées ou fruitées, développées en profitant de produits locaux comme les agrumes ou le miel, relève M. Marmarellis.

« Je viens de l’industrie du vin et j’aime essayer des saveurs particulières », dit-il en montrant une bière au gingembre, à la cardamome et au mahaleb (épice tirée du noyau de la cerise noire du bois de Sainte-Lucie), fabriquée pour les fêtes de Noël.

 

Au pays de l’ouzo 

C’est précisément ce qu’apprécie aussi Spyros Paraskevopoulos, un amateur de bières qui se réjouit de découvrir dans les rayons de supermarchés grecs des marques locales. « Leur goût diffère tellement d’une région à l’autre », dit-il.

Toutefois, la Grèce n’a pas la culture de la bière, et il y a encore tout à construire, reconnaît le brasseur Marmarellis.

Pays traditionnellement producteur de vin et adepte de l’ouzo anisé ou du tsipouro (une eau-de-vie), la Grèce figure dans le bas du tableau européen de la consommation de bière, comme la France et l’Italie, avec une moyenne de 35 litres par personne et par an. Et la bière artisanale ne représente que 1% du total…

Sophocle Panagiotou dénonce une « surtaxation » de la bière en Grèce, peu propice à développer la culture brassicole. Son objectif: obtenir une modernisation de la législation grecque sur les bières, qui date du début du XXe siècle et qu’il juge obsolète.

 

Crédit Photo : Aris Messinis 

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