Le Parlement européen a adopté jeudi à une très large majorité une résolution symbolique appelant au démantèlement de Google, accentuant la pression sur le géant américain de l’internet et suscitant l’inquiétude du gouvernement des États-Unis.
La résolution, intitulée « Pour la défense des droits des consommateurs sur le marché numérique », propose que la Commission européenne envisage des mesures à long terme pour séparer les moteurs de recherche des autres services commerciaux. Le texte a été adopté par 384 voix pour, 174 contre et 56 abstentions. Chaque année, le Parlement européen vote des dizaines de résolutions destinées à attirer l’attention de la Commission européenne, seule autorité à pouvoir proposer une législation, mais celle-ci se distingue par sa cible implicite : Google.
« Nous voulons donner un signal fort à la Commission européenne, aux entreprises américaines comme Google et aux citoyens », a expliqué l’eurodéputé socialiste Marc Tarabella.
Contacté par l’AFP, Al Verney, porte-parole de Google à Bruxelles, s’est refusé à tout commentaire. De son côté, le gouvernement américain avait déjà exprimé sa « préoccupation » plus tôt dans la semaine. Par la voix du porte-parole de la Mission américaine auprès de l’UE, Washington a mis en garde contre toute décision « politisée », soulignant que l’identification d’entraves à la concurrence devait reposer sur des conclusions objectives et impartiales.
La Commission européenne a ouvert en novembre 2010 une enquête sur Google pour abus de position dominante, reprochant au géant américain de favoriser ses propres services spécialisés au détriment de concurrents tels que Kelkoo ou Expedia. Jusqu’à présent, Google a vu trois de ses propositions de remédiation rejetées, et la nouvelle commissaire à la Concurrence, Margrethe Vestager, a déclaré début novembre qu’elle aurait « besoin de temps avant de décider des prochaines étapes ».
Aux États-Unis, les autorités avaient clôturé une enquête similaire en 2013, ne trouvant pas de preuve d’abus de position dominante dans la recherche en ligne.
Vers un renforcement de la régulation européenne
Présente à Bruxelles pour une réunion ministérielle sur les télécoms, la secrétaire d’État française chargée du numérique, Axelle Lemaire, a souligné que si le texte voté à Strasbourg n’avait « pas de valeur juridique », il exprimait de manière forte la volonté des eurodéputés. Elle a insisté sur la responsabilité des États de s’emparer du dossier et de vérifier si le cadre réglementaire de l’UE permet de répondre à des abus de position dominante pouvant devenir « écrasants ».
Son homologue allemand, Matthias Machnig, a appelé à un « réexamen des règles de la concurrence » pour les adapter à l’économie numérique. Les deux ministres ont annoncé avoir écrit conjointement à la Commission pour lancer une consultation publique sur la régulation des géants du numérique, incluant une réflexion sur l’imposition fiscale, citant Google, Apple, Facebook et Amazon.
Droit à l’oubli et pression accrue sur Google
La semaine a également été marquée par de nouvelles tensions concernant le « droit à l’oubli numérique ». Suite à un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne en mai, les moteurs de recherche doivent supprimer les références à des pages périmées ou non pertinentes concernant des individus. Mercredi, les autorités européennes de protection des données ont adopté des lignes directrices élargissant cette obligation à tous les résultats de recherche de Google, y compris Google.com, et non seulement ses déclinaisons nationales. Google a indiqué qu’il n’avait pas encore pris connaissance de ces directives et qu’il les examinerait « soigneusement ».